Première berline à traction avant avec un ensemble moteur-boîte transversal et hayon, l’Autobianchi Primula marque une étape importante dans l’histoire de l’automobile. Pourtant, celle qui préfigurait largement la voiture d’aujourd’hui a sombré dans l’oubli le plus total. Histoire d’un destin manqué… "La confirmation de ce qui était hier une tendance, de ce qui demain peut devenir une mode", c'est ainsi que se présentait la fiche technique de la Primula, lors de son premier essai dans l'Automobile Magazine en juin 1965. Une petite phrase qui au-delà de la prudente réserve chère à l'époque, annonce l'avènement d'une ère nouvelle. Rien de vraiment prémonitoire mais un simple constat enrichit par l'analyse (reprise d'ailleurs par de nombreux observateurs) des tendances d'un marché en pleine explosion. Depuis le début des "sixties", l'Europe occidentale connaît une croissance inédite set après des années de vaches maigres, la population se délecte sans arrière-pensée des bienfaits de la société de consommation dont la voiture devient l'un des symboles les plus forts. Trop longtemps relégué au rang d'un simple usager par le mépris des constructeurs, l'automobiliste se voit soudain courtisé comme un vrai... client. Mieux informé et devenu exigeant, celui-ci ne se laisse plus séduire par quelques garnitures pimpantes mais souhaite être convaincu par des solides arguments techniques, telle la traction-avant.
Dans ce nouveau contexte de concurrence féroce, les constructeurs se lancent dans la bataille du tout à l'avant. Citroën a bien sûr ouvert la voie, Renault suit avec pragmatisme mais c'est BMC qui crée l'événement avec sa Mini, idéale de compacité avec son moteur transversal. Chez Fiat, le "grand de la petite voiture", seul Dante Giacosa, le directeur des bureaux d'études et partisan très esseulé de la traction-avant, est ébranlé : "Je regrettai amèrement de ne pas avoir persévéré, depuis le projet 100 en 1947, dans l'étude d'une traction-avant à moteur transversal." Celui qui fut le "père" de la 500 Topolino, puis le concepteur du 600 Multipla, le premier monospace construit en série, s'était bien sûr intéressé très tôt à la traction-avant et déposé un brevet dont s'inspira d'ailleurs Alec Issigonis, le créateur de la Mini. Giacosa et Fiat auraient ainsi pu faire figures de pionniers, mais la politique commerciale très conservatrice de la firme de Turin mit un terme à ces expériences. Giacosa ne se découragea pourtant pas. Mettant à profit sa notoriété, il fonde au sein des bureaux d'études, la SIRA, une petite unité décentralisée où il peut poursuivre ses travaux en toute indépendance. Face à l'hostilité du directoire de Fiat et en particulier de Gianni Agnelli (victime d'un grave accident en testant un prototype à traction-avant), Giacosa sait que s'il veut emporter la décision, il doit proposer des solutions simples et peu coûteuses. En 1961, il s'oriente ainsi vers le projet d'une petite berline à moteur transversal avant, incluant boîte de vitesses et embrayage sur le même axe. Un choix offrant de nombreux avantages comme la possibilité de produire moteurs et boîtes séparément (limitation des coûts et souplesse de fabrication) mais aussi de réduire les frottements, l'usure, le poids et l'encombrement en se passant de chaînes de renvoi.
Répertorié "109", le projet avance rapidement et les premiers essais roulants débutent en novembre 1963. Animée par l'ancien mais solide quatre cylindres de la Fiat 1100, la voiture se distingue également par une carrosserie originale (deux portes avec hayon) dessinée chez Boano. Une idée venue un peu par hasard, simplement adaptée d'une étude préalable de coupé, qui fera date! Après ces essais, où aucun problème particulier de mise au point ne se pose, la "109" est convoquée pour son examen de passage devant le directoire de Fiat présidé par Vittorio Valetta. Carlo Sallemano, chef du service essais depuis 1916 (!) affiche sans la moindre réserve son hostilité au progrès et tente de convaincre sans vergogne les dirigeants de Fiat d'abandonner le projet. Valetta, qui estime profondément Giacosa, se montre moins émotif et décide de préserver "la chèvre et le chou". La nouvelle berline (la 124) sera une propulsion tandis que la première traction-avant du groupe sera produite chez Autobianchi, une firme tombée dans le giron du groupe en 1955. Nello Vallechi, le directeur d'Autobianchi, en totale communauté de vue avec Giacosa, s'enthousiasme pour le projet et trouve même le nom de baptême de sa future voiture : "Primula" (primevère en français). Présentée au Salon de Turin à l'automne 1964, la Primula ne va connaître qu'un succès d'estime et une courte carrière commerciale malgré de nombreuses évolutions (carrosseries 2 et 4 portes en 1965, nouveau moteur en 1968). Intelligente et moderne, elle aurait sans doute connu un destin hors du commun si elle avait pu bénéficier de la dynamique commerciale de Fiat.
FICHE TECHNIQUE Moteur : 4 cyl. En ligne, transversal avant
Cylindrée : 1221/1197 cm3
Puisssance : 57/65 ch
Transmission : avant, 4 vitesses
Vitesse maxi : 130/150 km/h
Dimensions (Lxlxh) : 3,78/1,58/1,34
Poids : 830 kg
Pneumatiques : 145x13
Production : environ 250 000 exemplaires de 1964 à 1970
Posséder une PrimulaBien difficile de trouver une Primula car elles semblent avoir déserter le paysage automobile français depuis plus décennie. Quelques unes survivraient cependant dans le midi de la France tandis qu'elles seraient un peu plus nombreuses de l'autre côté de la frontière italienne. Rarissimes mais peu recherchées, ces voitures se négocieraient entre 8000 et 12 000 F et se présenteraient dans un bon état général. Les quelques sources faisant référence à des transactions intervenues entre 1987 et 1991, révèlent, en effet, une étonnante résistance à la corrosion, pour l'époque. Enfin, il apparaît que beaucoup de pièces spécifiques (éléments de boîte de vitesses et de transmissions) sont introuvables depuis longtemps dans le réseau Fiat-Lancia.